Saint Leonard de Port Maurice II

« Si, pour mieux faire admirer les grandeurs de notre saint patriarche comme juste et sur­tout comme époux, je l’ai mis en regard du premier Joseph, qui fut comme son ombre, et de Marie son épouse, cette aurore radieuse qui a réjoui le monde ; pour vous le montrer plus grand encore comme père, je dois le considérer dans ses rapports avec le divin Soleil de ju­stice : c’est ainsi que s’appelle celui dont Jo­seph fut le père. « N’est-ce pas le fils de cet artisan ? » disaient les Juifs avec mépris en par­lant de Jésus. Le fils d’un artisan, sans doute, mais de quel artisan ? Je vous l’apprendrai, répond saint Pierre Chry­sologue ; c’est le Fils de ce grand artisan qui a fabriqué le monde, non avec le marteau, mais par un ordre de sa volonté, de cet artisan qui a combiné les élé­ments, non par un effet de génie, mais par un simple commandement, de cet artisan qui a allumé le flambeau du jour à la voûte du ciel, non avec un feu ter­restre, mais par une chaleur supérieure, de cet artisan enfin, qui d’un seul mot a fait jaillir l’univers du néant. Vous avez rai­son, illustre docteur ; ils auraient dû reconnaitre que Jésus était le Fils du grand archi­tecte de l’univers. Mais souffrez que pour la gloire de Joseph, on dise aussi qu’il est le fils de ce pauvre charpentier qui dans une humble boutique manie la scie et le rabot. Et puisque la sainte Vierge elle-même donne à Joseph ce beau titre de père de Jésus, en disant à celui-ci : « Votre père et moi », titre qui lui convient d’ailleurs, attendu que ce fils est le fruit de Marie, laquelle appartient à Joseph en qualité d’épouse, convenez aussi qu’il est le fils de ce pauvre artisan, et que comme tel, il est son sujet et le compa­gnon de ses travaux. 0 quelle merveille, quand on y pense ! Jésus aida ce pauvre arti­san à travailler le bois, comme il aida le grand artisan de la nature à fabriquer l’univers. Lorsque le Créateur, c’est le Fils de Dieu, la Sagesse incréée qui parle ainsi, lorsque mon Père s’apprêtait à créer le monde, j’étais présent, et j’en présentais l’idée dans cette intelligence infinie ; quand il étendait la voûte des cieux, quand il posait des bornes à la mer, quand il sus­pendait les nuages en l’air, j’étais avec lui, arrangeant toutes choses. Cette même Sagesse incarnée peut également dire d’elle-même : lorsque Joseph mon père était dans son atelier pour travailler, j’étais avec lui comme compagnon de ses tra­vaux, quand il coupait ou façonnait le bois, j’étais avec lui, quand il le sciait et le rabotait, j’étais avec lui, quand il adap­tait les pièces ensemble, je les arrangeais avec lui. Comme lui, je mettais la main au rabot, et je mêlais mes sueurs aux siennes. Quelle sublime dignité, et quelle grandeur que celle qui nous fait apparaî­tre Joseph comme l’émule de Dieu même ! Un pauvre ouvrier en bois l’émule de l’archi­tecte du monde ! En voulez-vous davantage pour proclamer Joseph souverainement grand comme père, si Dieu lui-même ne peut faire un père plus grand que celui qui a un Dieu pour fils ? Il y a trois choses, dit saint Thomas, que Dieu ne peut faire plus grandes qu’elles ne sont, à savoir l’humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à cause de son union hyposta­tique avec le Verbe ; la gloire des élus à cause de son objet principal qui est l’essence infinie de Dieu ; et la Mère incomparable de Dieu, dont il a été dit que Dieu ne peut faire une mère plus grande que la mère d’un Dieu. Vous pouvez en un sens ajouter, à la gloire de Joseph, une quatrième chose : Dieu ne peut pas faire un père plus grand que le père d’un Fils qui est Dieu. Avouez donc que si saint Joseph fut grand comme juste, plus grand encore comme époux, il fut très grand surtout comme père.

Joseph n’eut sans doute aucune part à la production de Jésus-Christ, mais il n’en fut pas moins son père, ainsi que l’affirment tous les docteurs. Il eut à son égard l’autorité aussi bien que la sollicitude et les devoirs d’un père. Est-il, en effet, une seule des fonctions du meilleur des pères qui n’ait été glorieusement exercée par « ce serviteur fidèle et prudent que le Seigneur préposa au gouvernement de sa famille ? » N’est-ce pas Joseph qui recueil­lit dans ses bras l’Enfant Jésus à peine né, et le coucha sur la paille dans la crèche ? N’est-ce pas Joseph qui le déroba à la fureur d’Hérode ? N’est-ce pas lui qui lui fournit durant trente ans du travail de ses mains et à la sueur de son front, la nourriture, le vêtement et le loge­ment ? Combien de fois les bras de Joseph ne servirent-ils pas de berceau à l’Enfant Jésus ! Que de tendres baisers il lui prodigua ! Que de fois il lui donna à manger de sa main, l’ha­billa, lui apprit à parler, l’exerça au travail ! Car ce divin Enfant voulut paraître en tout semblable aux autres. Et lorsqu’il fut devenu grand, que de fois Joseph ne reposa-t-il pas sur son cœur ! Or, si Joseph se comporta en père si tendre, si dévoué à l’égard de Jésus, comment pensez-vous que dut se comporter Jésus à l’égard de Joseph ? Est-il besoin de dire qu’il a été pour lui le meilleur des fils, lui té­moignant un respect, une soumission, une obéissance parfaite en toute chose, comme à son père bien-aimé ? 0 toits, ô murs, ô bien­heureuse enceinte qui avez abrité cette au­guste famille, et avez été témoins de ses tra­vaux, de ses récréations, des célestes entretiens qui eurent lieu entre Jésus, Marie et Joseph, dites-nous combien de fois Joseph, pour se ranimer dans ses fatigues, répétait le doux nom de son Jésus, et avec quel empressement respectueux Jésus alors accourait à lui, comme s’il l’eût appelé, lui disant avec une joie céleste empreinte sur son visage : « me voici, mon père ; que voulez-vous ? Que m’ordon­nez-vous ? » Joseph, dont l’humilité fut si pro­fonde, que les quatre évangélistes ne rap­portent pas une seule parole de lui, Joseph, me semble-t-il, pour condescendre au désir de Jésus, dut parfois lui dire : « voyons, mon Fils, assistez-moi dans ce travail. » Et Jésus l’assistait. « Mon Fils, où est le rabot ? » Et Jésus apportait le rabot. « Nettoyons l’atelier », et Jésus se mettait à balayer, faisant chaque chose avec tant de modestie et de grâce que tous les ha­bitants de Nazareth accouraient quelquefois à la boutique de Joseph pour voir travailler cet intéressant enfant. Mais ils n’étaient pas seuls à venir : tous les prophètes y accouraient aussi de loin. O heureux Joseph, s’écrie Isaïe, cet Enfant qui travaille avec toi, et t’appelle son père, c’est l’admirable, le Dieu fort, le prince de la paix, l’ange du grand conseil. Celui que tu reconnais pour ton fils, dit le prophète Michée, c’est ce grand personnage dont l’origine date du commencement des jours de l’éternité. Je le reconnais aussi, dit le prophète royal, cet enfant qui t’appelle son père, c’est Celui à qui appartient la terre et tout ce qu’elle renferme. Si l’Apôtre a tiré un argument invincible en faveur de la souveraineté de Jésus-Christ sur toutes les créatures, du nom de Fils que Dieu lui a donné, nous pouvons de même déduire la souve­raineté de saint Joseph sur tous les saints, sur tous les anges, et son élévation sur le trône le plus sublime du ciel après celui de la Vierge, du nom de père que Dieu lui donna. Car quel est l’ange auquel le Seigneur ait jamais dit : « vous êtes mon père ? » Si Dieu, en présence de toute la cour céleste, l’appelle son père, le vénère comme son père, l’honore comme son père, jugez s’il ne fut pas d’une grandeur in­comparable comme père.

Mais pour se convaincre qu’il fut vraiment grand comme juste, plus grand comme époux, très grand comme père, il suffirait de le considérer entre les bras de Jésus et de Marie au moment de rendre son âme à son Créateur. Voyez ce bienheureux patriarche étendu sur une pauvre couche, Jésus d’un côté, Marie de l’autre, entouré d’une multitude infinie d’anges, d’archanges, de séraphins, qui dans une attente respectueuse s’apprêtent à recevoir sa sainte âme. 0 Dieu ! Qui pourra nous dire avec quels sentiments, à ce moment suprême, Joseph dit un dernier adieu à Jésus et à Marie ? Quelles actions de grâces, quelles protestations, quelles supplications, quelles excuses de la part de ce saint vieillard ses yeux parlent, son cœur parle, sa langue seule se tait ; mais que son silence dit de choses ! Tantôt il regarde Marie, et Marie le regarde à son tour, et avec quelle affection ! Tantôt il tourne ses yeux vers Jésus, et Jésus le regarde, mais avec quelle tendresse ! Il prend la main de Jésus, la presse sur son cœur, la couvre de baisers, l’arrose de ses larmes, et lui dit de temps en temps, plutôt de cœur que de bouche : « Mon Fils, mon bien-aimé Fils, je vous recommande mon âme » et pressant la main de Jésus sur son cœur, il tombe dans une défaillance d’amour. Ah ! Joseph, si vous ne cessez d’étreindre la main de Celui qui est la vie, vous ne pourrez mourir. Oh ! Qu’il est doux de mourir en te­nant la main de Jésus ! L’âme enfin achève presque de se détacher du corps, elle prend son élan ; mais à la vue de Jésus et de Marie, son élan est arrêté, et elle ne peut briser sa chaîne. Je le répète, Joseph, si vous ne cessez de regarder Celui qui est la vie, vous ne pourrez mourir ! Tendre et divin Rédempteur, Jésus, Joseph ne peut prendre son essor de cet exil, si vous ne lui en donnez la liberté. Divine Marie, Joseph ne peut partir de ce monde, si vous ne lui en donnez la permission. Jésus lève la main, il bénit et embrasse son bien-aimé père, et Joseph expire dans les embras­sements de Jésus.

Sainte Térèse, cette âme séraphique, avait une dévotion particulière à notre saint patriarche, et ne désirait rien tant que de le voir honoré dans le monde entier. Elle proteste qu’elle ne lui a jamais demandé aucune faveur sans être aussitôt exaucée, et elle exhorte tout le monde à faire l’essai de la bonté de ce grand saint, et de son crédit auprès de Dieu, en re­courant à lui dans toutes les nécessités temporelles et spirituelles, assurant qu’on se con­vaincra par sa propre expérience que, comme il est le plus grand de tous les saints dans la gloire, il est aussi le plus puissant à nous obte­nir des grâces. Et en effet, Dieu a voulu que les personnes de tout état eussent quelque chose de commun avec saint Joseph afin que tous eussent une confiance spéciale en sa protection, que tous eussent recours à lui comme à leur avocat parti­culier et à un intercesseur universel, attendu que dans la maison de Jésus et de Marie les autres saints supplient, et Joseph ordonne, les autres prient Joseph, et Joseph commande et en com­mandant obtient ce qu’il veut. Aussi les religieux de tous les ordres doivent-ils avoir une grande dévotion envers saint Joseph, et le reconnaître pour leur fondateur, puisque d’après l’opinion de plusieurs, il est le premier qui ait fait les saints vœux. Ecclésiastiques, vous trouvez en tête de votre hiérarchie saint Joseph, le pre­mier qui ait administré le patrimoine de Jésus-Christ : vous lui devez donc une dévo­tion spéciale. Séculiers, vous pouvez aussi compter saint Joseph dans vos rangs ; il a vécu vierge, il est vrai, mais marié et hors du temple, quoique sa maison fût un sanctuaire. Les grands et les nobles doivent être dévots à saint Joseph, puisqu’il était issu du sang royal le plus illustre. Et vous, hommes du peuple, ar­tisans, pauvres et indigents, vous devez avoir confiance en saint Joseph, qui vécut et mourut avec Celui qui est la vie. Voilà l’avocat uni­versel de tous les chrétiens ; tous les chrétiens appartiennent à saint Joseph, parce que Jésus et Marie lui ont appartenu. Bien plus, les infi­dèles eux-mêmes,  doivent avoir confiance en saint Joseph, car il les protégea d’une manière particulière dans son exil. Efforçons-nous donc à l’envie de l’aimer, de l’honorer. Comme époux de la Vierge, et comme père de l’Homme-Dieu, il est tout-puissant dans le ciel. Comme notre avocat, supplions-le de nous obtenir une seule grâce, celle d’une sainte mort suivie du paradis. Réjouissez-vous, pieux serviteurs de saint Joseph, car le paradis est près de vous, l’échelle qui y conduit n’a que trois degrés, Jésus, Marie et Joseph. Voici comment on monte et l’on descend par cette échelle : en montant, nos suppliques sont d’abord remises entre les mains de Joseph, Joseph les présente à Marie et Marie les donne à Jésus. En descendant, les rescrits viennent de Jésus qui les accorde à Marie, et Marie les remet à Joseph. Jésus fait tout pour Marie, parce qu’il est son Fils ; Marie obtient tout en qualité de Mère et Joseph peut tout en sa qualité de juste, d’époux et de père. » (Discours sur les grandeurs de saint Joseph)

Prions saint Joseph

1 dizaine du chapelet (Notre Père… 10 Je vous salue Marie… Gloire au Père…)

O mon Jésus pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer ; conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde.

Je vous salue, Joseph, vous que la grâce divine a comblé, le Sauveur a reposé dans vos bras et grandi sous vos yeux, vous êtes béni entre tous les hommes, et Jésus, l’Enfant divin de votre virginale épouse est béni. 

Saint Joseph, donné pour père au Fils de Dieu, priez pour nous dans nos soucis de famille, de santé et de travail, jusqu’à nos derniers jours, et daignez nous secourir à l’heure de notre mort. Amen.

Que par la miséricorde de Dieu, les âmes des fidèles défunts reposent en paix. Amen.

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