Saint François de Sales III

Son enseignement sur saint Joseph

« Mais que de belles vertus à admirer encore en saint Joseph ! Car il fut toujours fort vaillant, constant et persévérant. Il y a beaucoup de diffé­rence entre la constance et la persévérance, la force et la vaillance. Nous appelons un homme constant, lequel se tient ferme et préparé à souffrir les assauts de ses ennemis, sans s’éton­ner ni perdre courage durant le combat ; mais la persévérance regarde principalement un cer­tain ennui intérieur qui nous arrive en la longueur de nos peines, qui est un ennemi aussi puissant que l’on en puisse rencontrer. Or, la persévérance fait que l’homme méprise cet ennemi, en telle sorte qu’il en demeure victorieux par une continuelle égalité et sou­mission à la volonté de Dieu. La force, c’est ce qui fait que l’homme résiste puissamment aux attaques de ses ennemis ; mais la vaillance est une vertu qui fait que l’on ne se tient pas seulement prêt pour combattre, ni pour ré­sister quand l’occasion s’en présente, mais que l’on attaque l’ennemi à l’heure même qu’il ne dit mot. Or, notre glorieux saint Joseph fut doué de toutes ces vertus, et les exerça merveilleusement bien. Pour ce qui est de sa cons­tance, combien, je vous prie, la fit-il paraitre, lorsque voyant Notre-Dame enceinte, et ne sachant point comment cela se pouvait faire (mon Dieu ! quelle détresse ! quel ennui ! quelle peine d’esprit n’avait-il pas !) ; néanmoins, il ne se plaint point, il n’en est point plus rude, ni plus malgracieux envers son épouse, il ne la maltraite point pour cela, demeurant aussi doux et aussi respectueux en­vers elle que de coutume. Mais quelle vail­lance et quelle force ne témoigne pas la victoire qu’il remporta sur les deux plus grands enne­mis de l’homme, le diable et le monde ? Et cela par la pratique exacte d’une très parfaite hu­milité, comme nous avons remarqué en tout le cours de sa vie. Le diable est tellement ennemi de l’humilité, parce que manque de l’avoir il fut déchassé du ciel et précipité aux en­fers, qu’il n’y a invention ni artifice duquel il ne se serve pour faire déchoir l’homme de cette vertu, et d’autant plus qu’il sait que c’est une vertu qui le rend infiniment agréable à Dieu ; si que nous pouvons bien dire : Vaillant et fort est l’homme qui, comme saint Joseph, persévère dans l’humilité, parce qu’il de­meure tout ensemble vainqueur du diable et du monde, qui est rempli d’ambition, de va­nité et d’orgueil.

Quant à la persévérance, contraire à cet en­nemi intérieur, qui est l’ennui qui nous sur­vient en la continuation des choses abjectes, humiliantes, pénibles, des mauvaises fortunes, s’il faut ainsi dire, ou dans les divers accidents qui nous arrivent ; ô combien ce saint fut éprouvé de Dieu et des hommes mêmes en son voyage ! L’ange lui commande de partir promp­tement, et de mener Notre-Dame et son Fils très cher en Egypte ; le voilà que soudain il part sans dire mot : il ne s’enquiert pas, où irai-je ? Quel chemin tiendrai-je ? De quoi nous nourrirons-nous ? Qui nous recevra ? Il part d’aventure avec ses outils sur son dos, afin de gagner sa pauvre vie et celle de sa famille à la sueur de son visage. 0 combien cet ennui dont nous parlons le devait presser, vu mêmement que l’ange ne lui avait point dit le temps qu’il y devait être ; si qu’il ne pouvait s’établir nulle demeure assurée, ne sachant quand l’ange lui commanderait de s’en retourner ! Si saint Paul a tant admiré l’obéissance d’Abraham, lorsque Dieu lui commanda de sortir de sa terre, d’au­tant que Dieu ne lui dit pas de quel côté il irait, et qu’Abraham se garda bien de lui de­mander : « Seigneur, vous me dites que je sorte ; mais dites-moi donc si ce sera par la porte du midi ou du côté de la bise ; mais il se mit en chemin, et allait selon que l’esprit de Dieu le conduisait. » Combien est admirable cette par­faite obéissance de saint Joseph ! Lange ne lui dit point jusques à quand il demeurerait en Egypte, et il ne s’en enquiert pas ; il y demeura l’espace de cinq ans, comme la plupart croient, sans qu’il s’informât de son retour, s’assurant que celui qui avait commandé qu’il y allât, lui commanderait derechef quand il s’en faudrait retourner ; à quoi il était toujours prêt d’obéir. Il était en une terre non seulement étrangère, mais ennemie des Israélites ; d’autant que les Egyptiens se ressentaient encore de quoi ils les avaient quittés, et avaient été cause qu’une grande partie des Egyptiens avait été submer­gée lorsqu’ils les poursuivaient. Je vous laisse à penser quel désir devait avoir saint Joseph de s’en retourner, à cause des continuelles craintes qu’il pouvait avoir parmi les Egyp­tiens. L’ennui de ne savoir quand il en sorti­rait, devait, sans doute, grandement affliger et tourmenter son pauvre cœur ; néanmoins il demeure toujours lui-même, toujours doux, tranquille et persévérant en sa soumission au bon plaisir de Dieu, auquel il se laissait plei­nement conduire ; car comme il était juste, il avait toujours sa volonté ajustée, jointe et con­forme à celle de Dieu. Être juste n’est autre chose qu’être parfaitement uni à la volonté de Dieu, et y être toujours conforme en toutes sortes d’événements soit prospères, soit adver­ses. Que saint Joseph ait été en toutes occa­sions toujours parfaitement soumis à la divine volonté, nul n’en peut douter ; et ne le voyez‑vous pas ? Regardez comment l’ange le tourne à toutes mains ; il lui dit qu’il faut aller en Egypte, il y va ; il commande qu’il revienne, il s’en revient ; Dieu veut qu’il soit toujours pauvre, qui est une des plus puissantes épreuves qu’il nous puisse faire, et il s’y sou­met amoureusement, et non pas pour un temps, car ce fut toute sa vie ; mais de quelle pau­vreté ? D’une pauvreté méprisée, rejetée et nécessiteuse. La pauvreté volontaire dont les re­ligieux font profession est fort aimable, d’autant qu’elle n’empêche pas qu’ils ne reçoivent et prennent les choses nécessaires, défendant et les privant seulement des superfluités ; mais la pauvreté de saint Joseph, de Notre Seigneur et de Notre Dame n’était pas telle ; car encore qu’elle fût volontaire, d’autant qu’il l’aimait chèrement, elle ne laissait pas pourtant d’être abjecte, rejetée, méprisée et nécessiteuse gran­dement ; car chacun tenait ce grand Saint comme un pauvre charpentier, lequel sans doute ne pouvait pas tant faire, qu’il ne leur manquât plusieurs choses nécessaires, bien qu’il se peinât avec une affection non pareille pour l’entretien de toute sa petite famille, après quoi il se soumettait très humblement à la vo­lonté de Dieu en la continuation de sa pau­vreté et de son abjection, sans se laisser aucu­nement vaincre ni terrasser par l’ennui intérieur, lequel sans doute lui faisait maintes attaques. Mais il demeurait toujours constant en la soumission, laquelle (comme toutes ses autres vertus) allait continuellement croissant et se perfectionnant ; ainsi que de Notre Dame, laquelle gagnait chaque jour un surcroît de vertus et de perfection qu’elle prenait en son Fils très saint ; lequel ne pouvant croître en aucune chose, d’autant qu’il fut dès l’instant de sa conception tel qu’il est et sera éternelle­ment, faisait que la sainte famille en laquelle il était, allait toujours croissant et avançant en perfection, Notre Dame tirant sa perfection de sa divine bonté, et saint Joseph la recevant (comme nous l’avons déjà dit) par l’entremise de Notre Dame.

Que nous reste-t-il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n’ait beaucoup de crédit dans le ciel, auprès de Celui qui l’a tant favo­risé que de l’y élever en corps et en âme ; ce qui est d’autant plus probable que nous n’en avons nulle relique ici-bas sur la terre ; et il me semble que nul ne peut douter de cette vé­rité : car comment eût pu refuser cette grâce à saint Joseph Celui qui lui avait été si obéissant tout le temps de sa vie ? Sans doute que lors­que Notre Seigneur descendit aux limbes, saint Joseph lui parla de la sorte : « Seigneur, ressouvenez-vous, s’il vous plaît, que quand vous vîntes du ciel en terre, je vous reçus en ma maison, en ma famille, et que dès que vous fûtes né, je vous reçus entre mes bras : maintenant que vous devez aller au ciel, conduisez-moi avec vous : je vous reçus en ma famille, recevez-moi maintenant en la vôtre, puisque vous y allez ; je vous ai porté entre mes bras, maintenant prenez-moi sur les vôtres ; et comme j’ai eu soin de vous nourrir et conduire durant le cours de votre vie mortelle, prenez soin de moi et de me con­duire en la vie immortelle. » Et s’il est vrai, ce que nous devons croire, qu’en vertu du très saint sacrement que nous recevons, nos corps ressusciteront au jour du jugement, comment pourrions-nous douter que Notre Seigneur ne fit monter avec lui au ciel, en corps et en âme, le glorieux saint Joseph, qui avait eu l’honneur et la grâce de le porter si souvent entre ses bénis bras : bras auxquels Notre Seigneur se plaisait tant. 0 combien de baisers lui donnait-il fort tendrement de sa bénite bouche pour récompenser en quelque façon son travail ! Saint Joseph donc est au ciel en corps et en âme ; c’est sans doute. 0 combien serons-nous heureux si nous pouvons mériter d’avoir part en ses saintes intercessions ! car rien ne lui sera refusé, ni de Notre-Dame ni de son Fils glorieux : il nous obtiendra, si nous avons confiance en lui, un saint accrois­sement en toutes sortes de vertus ; mais spécialement en celles que nous avons trouvé qu’il avait en plus haut degré que toutes autres, qui sont la très sainte pureté de corps et d’esprit, la très aimable vertu d’humilité, la constance, vaillance et persévérance ; vertus qui nous rendront victorieux en cette vie de nos enne­mis, et qui nous feront mériter la grâce d’aller jouir, en la vie éternelle, des récompenses qui sont préparées à ceux qui imiteront l’exemple que saint Joseph leur a donné étant en cette vie ; récompense qui ne sera rien moins que la félicité éternelle, en laquelle nous jouirons de la claire vision du Père, du Fils et du Saint­-Esprit. Dieu soit béni. »

(Entretien XIXème sur les vertus de saint Joseph)

Prions saint Joseph

1 dizaine du chapelet (Notre Père… 10 Je vous salue Marie… Gloire au Père…)

O mon Jésus pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer ; conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde.

Je vous salue, Joseph, vous que la grâce divine a comblé, le Sauveur a reposé dans vos bras et grandi sous vos yeux, vous êtes béni entre tous les hommes, et Jésus, l’Enfant divin de votre virginale épouse est béni. 

Saint Joseph, donné pour père au Fils de Dieu, priez pour nous dans nos soucis de famille, de santé et de travail, jusqu’à nos derniers jours, et daignez nous secourir à l’heure de notre mort. Amen.

Que par la miséricorde de Dieu, les âmes des fidèles défunts reposent en paix. Amen.

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