Saint François de Sales II

Son enseignement sur saint Joseph

« Passons à la seconde vertu qui brille en saint Joseph : je veux dire la très sainte hu­milité.

0 combien ce grand saint fut admirable en cette vertu, il ne se peut dire selon sa perfec­tion ; car, nonobstant ce qu’il était, en quelle pauvreté et en quelle abjection ne vécut-il pas tout le temps de sa vie ! Pauvreté et abjection sous laquelle il tenait cachées et couvertes ses grandes vertus et dignités ; mais quelles digni­tés, mon Dieu d’être gouverneur de Notre-Sei­gneur ! Et non-seulement cela, mais être encore son père putatif ! Mais être époux de sa très sainte Mère ! 0 vraiment, je ne doute nullement que les anges, ravis d’admiration, ne vinssent troupes à troupes le considérer et admirer son humilité lorsqu’il tenait ce cher Enfant dans sa pauvre boutique, où il travail­lait de son métier pour nourrir et le Fils et la Mère qui lui étaient commis. Certes, il n’y a point l’ombre de doute que saint Joseph ne fût plus vaillant que David et n’eût plus de sagesse que Salomon ; néanmoins, le voyant réduit en l’exercice de la charpenterie, qui eût pu juger cela s’il n’eût été éclairé de la lu­mière céleste, tant il tenait resserrés tous les dons signalés dont Dieu l’avait gratifié ? Mais quelle sagesse n’avait-il pas, puisque Dieu lui donnait en charge son Fils très glorieux, et qu’il était choisi pour être son gouverneur ? Si les princes de la terre ont tant de soin (comme étant chose très importante) de don­ner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfants, puisque Dieu pouvait faire que le gouverneur de son Fils fût l’homme le plus accompli du monde en toute sorte de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui était son Fils très glo­rieux, prince universel du ciel et de la terre, comment se pourrait-il faire que, l’ayant pu, il ne l’ait voulu et ne l’ait fait ? Il n’y a donc nul doute que saint Joseph n’ait été doué de toutes les grâces et de tous les dons que méri­tait la charge que le Père éternel lui voulait donner de l’économie temporelle et domestique de Notre-Seigneur, et de la conduite de sa fa­mille, qui n’était composée que de trois, qui nous représentent le mystère de la très sainte et très adorable Trinité. Non qu’il y ait de la comparaison, sinon en ce qui regarde Notre-Seigneur, qui est l’une des personnes de la très sainte Trinité, car, quant aux autres, ce sont des créatures ; mais pourtant nous pou­vons dire ainsi que c’est une trinité en terre, qui représente en quelque façon la très sainte Trinité : Marie, Jésus et Joseph ; Joseph, Jésus et Marie, trinité merveilleusement recomman­dable et digne d’être honorée.

Vous entendez donc combien la dignité de saint Joseph était relevée, et de combien il était rempli de toutes sortes de vertus ; néan­moins vous voyez d’ailleurs combien il était rabaissé et humilié plus qu’il ne se peut dire ni imaginer. Ce seul exemple suffit pour le bien entendre. Il s’en va en son pays et en sa ville de Bethléem, et nul n’est rejeté de tous les logis que lui (au moins que l’on sache) ; si qu’il fut contraint de se retirer, et de conduire sa chaste épouse dans une étable, parmi les bœufs et les ânes. 0 ! En quelle extrémité était réduite son abjection et son humilité ! Son humilité fut la cause (ainsi que l’explique saint Bernard) qu’il voulut quitter Notre Dame quand il la vit enceinte ; car saint Bernard dit qu’il fit ce discours en soi-même : « Et qu’est ceci ? Je sais qu’elle est vierge ; car nous avons fait un vœu par ensemble de garder notre virginité et pureté, à quoi elle ne voudrait aucunement manquer ; d’ailleurs je vois qu’elle est enceinte et qu’elle est mère. Comment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n’empêche point la maternité ? 0 Dieu ! dit-il en soi-même, ne serait-ce point peut-être cette glorieuse Vierge dont les pro­phètes assurent qu’elle concevra et sera mère du Messie ? 0 ! Si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moi qui en suis si indigne ! Mieux vaut que je l’abandonne secrète­ment à cause de mon indignité, et que je n’habite point davantage en sa compagnie. Sentiment d’une humilité admirable, et la­quelle fit écrier saint Pierre dans la nacelle où il était avec Notre-Seigneur, lorsqu’il vit sa toute-puissance manifestée en la grande prise qu’il fit de poisson, au seul commandement qu’il leur avait fait de jeter les filets dans la mer : 0 Seigneur ! dit-il, tout transporté d’un semblable sentiment d’humilité que saint Joseph, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur, et partant ne suis pas digne d’être avec toi ! Je sais bien, voulait-il dire, que si je me jette en la mer, je périrai ; mais toi qui es tout-puissant, marcheras sur les eaux sans danger ; c’est pourquoi je te supplie de te reti­rer de moi, et non pas que je me retire de toi. Mais si saint Joseph était soigneux de tenir resserrées ses vertus sous l’abri de la très sainte humilité, il avait un soin très particu­lier de cacher la précieuse perle de sa virginité ; c’est pourquoi il consentit d’être marié, afin, que personne ne le pût connaître, et que des­sous le saint voile du mariage il pût vivre plus à couvert. Sur quoi les vierges et celles ou ceux qui veulent vivre chastement, sont enseignés qu’il ne leur suffit pas d’être vierges s’ils ne sont humbles, et s’ils ne resserrent leur pureté dans la boîte précieuse de l’humi­lité ; car autrement il leur arrivera tout ainsi qu’aux vierges folles, lesquelles, faute d’hu­milité et de charité miséricordieuse, furent rechassées des noces de l’Epoux, et partant furent contraintes d’aller aux noces du monde, où l’on n’observe pas le conseil de l’Epoux céleste, qui dit qu’il faut être humble pour entrer aux noces ; je veux dire qu’il faut prati­quer l’humilité : car, dit-il, allant aux noces, ou étant invité aux noces, prenez la dernière place. En quoi nous voyons combien l’humi­lité est nécessaire pour la conservation de la virginité, puisque indubitablement aucun ne sera du céleste banquet et du festin nuptial que Dieu prépare aux vierges en la céleste demeure, sinon en tant qu’il sera accompagné de cette vertu. L’on ne tient pas les choses précieuses, surtout les onguents odoriférants, en l’air ; car, outre que ces odeurs viendraient à s’exhaler, les mouches les gâteraient et feraient perdre leur prix et leur valeur. De même les âmes justes, craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordi­nairement dans une boîte, mais non dans une boite commune, non plus que les onguents précieux, mais dans une boîte d’albâtre (telle que celle que sainte Madeleine répandit ou vida sur le chef sacré de Notre-Seigneur, lorsqu’il la rétablit en la virginité non essentielle, mais réparée, laquelle est quelquefois plus excel­lente, étant acquise et rétablie par la pénitence, que celle qui, n’ayant point reçu d’atteinte, est accompagnée de moins d’humilité). Cette boite d’albâtre est donc l’humilité ; dans laquelle nous devons, à l’imitation de Notre-Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce qui nous peut faire estimer des hommes, nous contentant de plaire à Dieu, et demeu­rant sous le voile sacré de l’abjection de nous-mêmes, attendant, ainsi que nous avons dit, que Dieu venant pour nous retirer au lieu de sûreté qui est la gloire, fasse lui-même pa­raître nos vertus pour son honneur et gloire. Mais quelle plus parfaite humilité se peut imaginer que celle de saint Joseph (je laisse à part celle de Notre-Dame ; car nous avons déjà dit que saint Joseph recevait un grand accrois­sement en toutes les vertus par forme de réver­bération que celles de la très-sainte Vierge faisaient en lui) ? Il a une très grande part en ce trésor divin qu’il avait chez lui, qui est Notre Seigneur et notre Maitre ; et cependant il se tient si rabaissé et humilié, qu’il ne sem­ble point qu’il y ait de part ; et toutefois, il lui appartient plus qu’à nul autre, après la très sainte Vierge ; et nul n’en peut douter ; puisqu’il était de sa famille, et le Fils de son épouse qui lui appartenait.

J’ai accoutumé de dire que si une colombe (pour rendre la comparaison plus conforme à la pureté des saints dont je parle) portait en son bec une datte, laquelle elle laissât tomber dans un jardin, dirait-on pas que le palmier qui en viendrait appartient à celui à qui est le jardin ? Or, si cela est ainsi, qui pourra douter que le Saint-Esprit ayant laissé tomber cette divine datte, comme un divin colombeau, dans le jardin clos et fermé de la très sainte Vierge (jardin scellé et environné de toutes parts des haies du saint vœu de virginité et chasteté tout immaculée), lequel appartenait au glorieux saint Joseph, comme la femme ou l’épouse à l’époux, qui doutera, dis-je, ou qui pourra dire que ce divin palmier, qui porte des fruits qui nourrissent à l’immortalité, n’appartienne, en réalité, à ce grand saint Joseph, lequel pourtant ne s’en élève pas da­vantage, n’en devient point plus superbe, mais en devient toujours plus humble ? 0 Dieu ! Qu’il faisait bon voir la révérence et le res­pect avec lequel il traitait, tant avec la Mère qu’avec le Fils ! S’il avait bien voulu quitter la Mère, ne sachant encore tout à fait la grandeur de sa dignité, en quelle admiration et pro­fond anéantissement était-il par après, quand il se voyait être tant honoré, que Notre-Sei­gneur et Notre-Dame se rendissent obéissants à ses volontés, et ne fissent rien que par son commandement ?… »

(Entretien XIXème sur les vertus de saint Joseph)

Prions saint Joseph

1 dizaine du chapelet (Notre Père… 10 Je vous salue Marie… Gloire au Père…)

O mon Jésus pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer ; conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde.

Je vous salue, Joseph, vous que la grâce divine a comblé, le Sauveur a reposé dans vos bras et grandi sous vos yeux, vous êtes béni entre tous les hommes, et Jésus, l’Enfant divin de votre virginale épouse est béni. 

Saint Joseph, donné pour père au Fils de Dieu, priez pour nous dans nos soucis de famille, de santé et de travail, jusqu’à nos derniers jours, et daignez nous secourir à l’heure de notre mort. Amen.

Que par la miséricorde de Dieu, les âmes des fidèles défunts reposent en paix. Amen.

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